Bonjour à tous
J'ai rencontré hier sur un jeune Maceron (Smyrnium olusatrum) à Luc-sur-Orbieu (11), au Sud-Est du gué, Puccinia smyrnii Biv., 1894 [Basidiomycètes, Pucciniaceae (ex-Uredinales)], qui va me servir de prétexte à vous entretenir du cycle de ces formes de champignons.
Ce genre cosmopolite comprend dans les 4.000 espèces toujours parasites, généralement inféodées à une plante spécifique ou deux (hôte intermédiaire), plus rarement trois (parfois deux plantes ou plus (de la même famille) servent d’hôtes intermédiaires). (Rouille à hôtes intermédiaires multiples postée ici Melampsora allii-populina)
Ici le mycologue doit se faire botaniste, car le meilleur moyen d’identifier le champignon est de déterminer correctement la plante !
Le cycle des Pucciniales est complexe avec ou sans hôte intermédiaire. (Cycle de Puccina graminis ; open source modifiée)
Dans le cas présent, il semble que la spore issue des basides (basidiospores) hiverne quelque part au sol, peut être sur les tiges fructifères séchées de cette plante bisannuelle.
Au printemps ces basiodiospores donnent des écidies (ce que l’on voit sur les premières photos) qui donnent des écidiospores (photo suivante).
Ces écidiospores donnent des urédosores, qui donnent des urédospores.
Ces urédospores engendrent des télies en fin de saison, qui développent des téleutospores qui portent les basides qui produisent les basidospores.
Ouf !
Pas étonnant que ces rouilles possèdent un génome quatre fois plus long que la moyenne des autres Fungi ! (voir biblio à la fin)
Ecidies de Puccinia smyrnii :
Ecidiospores de formes irrégulières à surface granuleuse. Dimensions 10-16 x 20-30 µm (mais dans le prélèvement, il y a en mélange des formes immatures provenant de l’intérieur des écidies). (montage Melzer)
Je ne suis pas sûr de pouvoir observer toutes les phases du cycle, mais voici au moins la printanière…
Petite remarque personnelle : cela fait longtemps que je m’intéresse aux rouilles, car je suis fasciné par la complexité de leur cycle qui me rappelle celle de certains Cnidaires marins.
J’ai l’impression que les espèces inféodées à des plantes dont le cycle annuel est court, se sont adaptées en trouvant des hôtes intermédiaires qui permettent simplement au champignon d’hiverner en attendant le retour de l’hôte spécifique. Les hôtes intermédiaires sont rarement profondément atteints par le champignon, celui-ci ne provoquant que des nécroses foliaires qui ne gênent finalement pas trop la plante dans son développement.
Par contre, l’hôte spécifique, estival, est bien souvent profondément blessé, voire tué, par le champignon. Evidemment, la monoculture favorise son infestation et provoque ce résultat… car il n’existe aucun parasite dont le but est de tuer son hôte !
Les conséquences en sont que depuis le développement de l’agriculture industrielle, dans les années 50-60, la recherche sur ces champignons s’est développée, avec comme axe principal la lutte pour leur éradication. C’est ainsi que l’aubépine, hôte intermédiaire de la Rouille du blé a été quasiment éradiquée des régions de culture et que de multiples antifongiques ont été mis au point pour être largement répandus, pour les plus grands profits de l’industrie chimique.
Il est pour moi évident que la monoculture est une absurdité biologique !
Biblio pour en savoir plus :
Puccinia smyrnii sur Discoverlife
La plante Smyrnium olusatrum par Randall 2003 (+ ses parasites dont Puccinia)
Teliospores of Puccinia smyrnii
Genome size analyses of Pucciniales reveal the largest fungal genomes