Bonsoir,
thib63 a écrit:Le rapport avec les gènes est que certains phénotypes (je n'ai pas d'exemple là, mais quelqu'un pourra certainement en donner) sont dus à l'expression de plusieurs gènes qui "collaborent" (notez bien que je met le mot entre guillemets) entre eux.
Si dans l'expression d'un phénotype qui demande plusieurs gènes, l'un d'eux ne peut travailler avec les autres, le phénotype sera anormal.
Des exemples, tu peux citer à peu près tout et n'importe quoi, car il n'y a finalement que très peu de phénotypes qui ont une origine strictement monogénique. Attention aussi avec les dichotomies
normal vs anormal et
sauvage vs mutant, c'est bien commode, on comprend ce que ça veut dire, mais ça n'a pas beaucoup de sens biologique. Mieux vaut ne pas en abuser (ce que je vais faire ci-dessous
).
Pour revenir au problème de la sélection qui opérerait au niveau des gènes, question centrale de ce fil de discussion, il n'y a pas lieu de la poursuivre longtemps encore, car le concept de
mutant conditionnel la réfute complètement, et c'est une des raisons pour lesquelles elle a été abandonnée par la communauté scientifique. Le principe est simple : il existe des allèles qui donnent des protéines fonctionnelles dans certaines conditions environnementales et pas dans d'autres. Par exemple, des protéines qui se trouvent plus sensibles à la chaleur car moins stables suite à des mutations qui perturbent leur structure tridimensionnelle (souvent en supprimant des ponts disulfure, mais c'est un détail). Dans des conditions de température modérée (à définir selon les mutations considérées), les protéines produites sont parfaitement fonctionnelles et donnent un phénotype normal au sens du post précédent. Dans ce cas, la mutation est neutre du point de vue de l'évolution : elle ne confère ni avantage ni désavantage à son porteur.
En revanche, dans des conditions de température plus élevées, l'agitation moléculaire est grande et les protéines produites sont déstabilisées, dénaturées et ne parviennent plus à assurer leur fonction. On obtient alors un phénotype mutant au sens du post précédent, qui se révèle délétère pour l'individu et lui confère donc une valeur sélective négative. Cet exemple te montre qu'un même allèle n'est pas sélectionné de la même façon selon que l'individu qui le porte se trouve dans tel ou tel contexte. C'est donc bien la valeur sélective de l'individu qui est importante, et elle ne peut pas être déterminée à l'avance à partir de son seul génotype.
Pour mémoire, le livre de Dawkins est sorti en 1976. Au rythme de la biologie contemporaine, c'est
très long... au labo, si je ne pouvais travailler qu'avec le matériel des années 1970-1980, je ferai bien peu de choses, ou en tout cas pas les mêmes choses, pas aussi vite, etc. il y a même des questions que je ne me poserai pas faute de connaître le concept. Ceux qui rentreront dans les labos dans 10 ans feront le même constat, dans 20 ans encore plus, etc. Un exemple emblématique : la PCR a été inventée dans les années 1980, elle s'est popularisée dans les labos au cours des années 1990, les thermocycleurs (machines à PCR) modernes ont tout juste 10 ans, et aujourd'hui c'est la routine la plus banale, on l'enseigne aux étudiants de L2-L3. L'histoire de la biologie se déroule aujourd'hui à vitesse accélérée, depuis les années 1950 et l'élucidation de la structure de l'ADN : c'est ce qui rend si épineux le dialogue des biologistes et des citoyens.
Cordialement,
Eddy