Bonjour à tous !
L’histoire commence avec un caillou de bord de mer, couvert de tubes…
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… ou sur un bivalve…
Ce sont des tubes dans lesquels s’abrite un ver Annélide (
embranchement) Polychète (
classe) Sédentaire (
sous-classe) (APS pour les intimes…) de la vaste famille des Serpules (
et Ô combien fossilisables !).
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Lorsque l’on observe d’un peu plus près les tubes de cette espèce particulière, on s’aperçoit que ces tubes possèdent une section triangulaire et une ornementation composée de stries d’accroissement :
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Mais pas à tous les coups… la décoration du tube varie terriblement en fonction du milieu où la larve a trouvé un support pour se fixer. Il m’est arrivé d’observer des tubes très fins de plusieurs centimètres, totalement lisses, dans des zones soumises à un envasement régulier. La pauvre bestiole se dépêche de fabriquer du tube pour échapper à l’asphyxie… C’est d’autant plus délicat pour le bestiau que ces zones turbides lui garantissent un excellent approvisionnement en nourriture…
Mais en général, les tubes de Spirobranchus sont collés aux rochers littoraux, soumis à l’agitation des vagues. Dans ce cas là notre ver se fait un tube épais, renforcé d’une carène pour résister à la fois aux éléments et aux prédateurs…
Je trouve ces vers sont particulièrement intéressants, car, il y a très longtemps, au début du Trias (250 Ma), ils ont échangé une vie de carnivores traqueurs de proies (comme leurs cousins Annélide Polychètes
Errantes), pour une paisible vie de filtreur invétéré…
Donc le bestiau est là, peinard dans son tube, se contentant de déployer un panache aux jolies couleurs qui lui permet de respirer et de ramener la nourriture jusqu’à sa bouche (
on parle de panache branchial). (Cliché Gérard Breton)
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Bon je ne t’apprends rien, quant tu te remplis, il faut ensuite te vider. Notre ver possède un anus comme tout en chacun, situé à l’autre extrémité du corps. Imagine le problème ! Il ne va pas sortir de son tube pour évacuer… Non bien sûr !
Pour résoudre ce qui aurait pu être un vrai problème d’encombrement par leurs déchets, tout les Annélides sédentaires possèdent une gouttière ventrale où un efficace système de soies fait remonter les excréments petit à petit jusqu’en haut, pour se déverser dans la mer… (
Pense-zy la prochaine fois que tu te baignes…).
Voici le corps proprement dit d’un Serpulidae (
Emprunté à Hove et Kupriyanova, 2009). On remarquera que le corps est composé d’anneaux identiques dans sa partie ventrale, comme chez leurs cousins errants, mais que la partie thoracique et la tête sont fortement différenciées.
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Si le tube est suffisamment blindé pour offrir au corps de l’animal un abri confortable, le point faible reste l’ouverture… Et bien notre animal possède des soies modifiée qui lui font un épais opercule… Une sorte de cône qui pendouille plus ou moins au milieu du panache branchial quand il est sorti, mais dès que l’animal est effrayé, ou qu’un inspecteur des impôts se pointe, il rétracte vivement tout ce qui dépasse, en tirant dessus, ce qui lui assure une étanchéité totale : pratique lorsqu’on habite dans la zone de balancement des marées…
Chez cette espèce particulière, l’opercule est couronné par un élégant chapeau calcaire, qui, à la mort de l’animal, se retrouve dans le sédiment. Comme le chapeau est petit et fragile, il s’altère rapidement. Voici trois exemples montrant différents degré d’usure.
Le premier est archi-usé :
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Le second l’est beaucoup moins (
c’est celui-ci qui m’a permis de résoudre l’énigme de l'origine de ces objets !) :
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Quant au troisième, il est d’une fraicheur remarquable :
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Les opercules que je vous présente ci-dessus, appartiennent au modèle standard de l’espèce.
Voici maintenant une planche montrant différentes variations de de formes de l’opercule chez cette espèce (
il existe même une forme simplement conique, h i j, qui sont des chapeaux de remplacement lorsque l’original a été arraché). L’illustration suivante provient d’une étude de Helmut ZIBROWIUS et Gérard BELLAN (
grands noms de l’Annidologie* française), au doux titre d’une poétique typiquement d’époque (1969) :
Sur un nouveau cas de salissures biologiques favorisées par le chlore.
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Bon, il ne me reste plus qu’à espérer que vous ne regardez plus ces humbles vers de la même manière…
* L’Annidologie est une création personnelle pour laquelle je vais surement déposer un copyright…PS La Faune de France des Annélides Polychètes de Fauvel est disponible en téléchargement :
Errantes et
Sédentaires.
PS 2 J'allais oublier !
Spirobranchus triqueter (Linné, 1758) [Serpulidae]
Observé un peu partout sur le littoral de Palavas à Leucate. Exemplaires figurés de Leucate (11), en laisse de mer à La Franqui (novembre 2018) et de Port-Leucate (15 février 2019).