Bonjour à tous...
une petite réflexion à usage plus ou moins interne...
Je ne suis qu’un amoureux de la Vie, un amoureux de la biodiversité, pour lequel il n’est pas de forme de vie sans intérêt, quelle que soit sa taille, son habitat, sa discrétion…, bien que j’ai du mal avec certains parasites internes…
L’autre jour j’ai ouvert l’abdomen d’une femelle de petit Coléoptère (par accident, je pensais que c’était un mâle !) et j’y ai découvert 6 gros vers dont le volume était équivalent à celui de son abdomen. Je pense qu’il est même crédible que ce soit la présence de ces parasites intestinaux qui ait poussé l’animal affamé à grimper se nourrir tandis que ses semblables restaient douillettement au chaud dans la litière, car le froid venteux était quelques degrés à peine au dessus de zéro.
Chrysolina staphylea sur Séseli tortueux
Ce n’est pas la première fois que je constate à quel point les animaux sauvages sont confrontés au parasitisme extrême, ou à des blessures anodines qui deviennent mortelles. Les jeunes Goélands argentés se donnent des coups de leur bec tranchant, s’infligeant des blessures qui deviennent la proie des mouches et qui finissent par ruisseler d’asticots… jusqu’à leur mort.
Nous n’imaginons pas une seconde ces lentes agonies, dont rien ne se voit de l’extérieur. L’animal ne change pas de « visage », ne cris pas, ne change pas de comportement sauf par un certain ralentissement. Combien de belles photographies d’animaux sauvages n’ont été finalement si réussie que parce que le sujet était au bout de son rouleau ?
Tout ça pour vous dire que nous avons bien de la chance d’appartenir à une espèce capable d’apprendre et de transmettre, pour qui ces maux ne sont plus que le résultat d’extrême négligence, car depuis que l’homme est homme, il connait des façon d’y parer (les ours aussi, nous ne sommes pas les seuls, inutile de se la péter !). J’ai toujours été impressionné par la quantité d’espèces végétales identifiées par les anciens comme vermifuges : il n’est pas un territoire au monde où il ne s’en rencontre au moins une douzaine… (Si ce n’est chez les Inuits, qui par bien des cotés me demeurent mystérieux…., mais quelle technique utilisaient-ils en traditionnel pour allumer un feu ? Est-ce pour cette raison que le bois flotté est si précieux chez eux ?).
Toute la science de la systématique animale s’est bâtie sur des cadavres. C’est pourquoi pour déterminer avec certitude cette espèce de Coléoptère, il me faudra examiner l’os pénien du mâle que j’ai mis en alcool quelques jours plus tard. J’ai tellement tué au nom de la science, que je me suis promis de ne pas le faire pour assouvir ma curiosité personnelle et pourtant, là, je fais une exception. Je me suis convaincu de la faire, car nous sommes en fin de reproduction et les spermathèque des femelles sont pleines. Tuer un mâle ne fera pas de différence pour la prochaine génération. Et puis le monde des insectes est un des rares domaines du vivant sur lequel je ne me suis pas penché, alors…, je les tue consciemment.
Mais j’ai de la pratique, car je tue consciemment chaque jour pour assouvir ma curiosité. J’ai un prélèvement de plancton de l’étang du Doul que j’observe tous les deux jours. La plupart des petites diatomées (10-20 µm) sont déjà mortes, tandis que l’espèce qui m’intéresse (100-150 µm), continue à galoper infatigablement sous la lamelle. Je les ai donc mises hier, dans le noir complet… (ce sont des algues), car les fibules (sorte de décoration perlée) qui permettent de confirmer leur identification ne sont pas visibles tant qu’elles demeurent vivantes, tant qu’il reste de la viande dans la coquille…
Et puis quand j’aurai fini, je balancerai le reste au sol et rincerai le flacon, piètre épitaphe pour ces centaines de vie arrachées à leur milieu !
La Diatomée Cylindrotheca closterium :
Car je suis un amoureux du vivant, devenu tardivement microscopiste, qui ne cesse de tuer au nom de son amour. C’est à la fois un paradoxe et une malédiction. « Ne vaut-il pas mieux détruire la vie d’une vache que celles de 500 kg de crevettes ? » demandait la petite indienne…
Comment concilier l’amour de la vie avec sa destruction ?
Je pourrais me contenter des magnifiques images réalisées par d’autres, les miennes n’étant pas vraiment à la hauteur des meilleures. Je pourrais me contenter d’activités non destructrices comme l’observation des pollens ou des spores qui ne détruisent qu’un organe sexuel au milieu d’une multitude. Mais comment ressentir ce qui m’étreint quand je prends conscience soudain que certaines algues se déplacent en tout sens aussi rapidement que des ciliés, comment ressentir l’émotion de la prise de conscience de ce quelques chose de plus grand qui vient par une sorte d’illumination irriguer mes connaissances en les réorganisent pour lui faire place ?
Je suis un tueur en série heureux. Je détruis ce que je vénère avec bonheur… Je suis un Homme, cet animal qui avance au milieu de ses contradictions…
Car au fond, au-delà de tout ce que je viens d’écrire, je tue pour partager mon amour de la vie, pour faire prendre conscience à d’autres, du merveilleux du monde que nous habitons et détruisons sans avoir conscience de cette éradication des humbles sur lesquels ce que nous sommes s’est construit…
Humaine contradiction…
PS J’ai parfaitement conscience qu’il faut relativiser mon impact destructeur : par exemple le Coléoptère : j’ai détruit un couple après en avoir observé jusqu’à deux sur les 7 pieds de Séséli que j’ai surveillé pendant plusieurs jours, sur une population locale de près d’une centaine de pieds, ce qui représente donc, 1% de cette population…, alors que la plante est commune dans beaucoup d’endroits de la région !
Quant au plancton, j’ai prélevé quelques 30 cm3 dans un étang dont la couche superficielle d’un mètre (zone optimale pour le phytoplancton) peut être estimée à 1.200.000 m3…
Demeure la question de la petite indienne…