Suite2 La fausse-cloison et les valves de Cardamine heptaphyllaA l’instar des gousses allongées de la Papaveraceae
Eschscholtzia caespitosa ou bien des capsules loculicides à 4 valves de la Balsaminaceae
Impatiens balfourii, l’une et l’autre de mon jardin et qui ont des déhiscences « explosives » entraînant la dissémination des graines, catapultées hors des fruits (et parfois loin !) (=autochorie), notre
Cardamine heptaphylla du col du Chioula m’a « explosé » entre les doigts alors que je cueillais des fruits pour comparer cette silique à la silicule de la Monnaie du Pape. La question du mécanisme de cette déhiscence « explosive » venait donc se rajouter à celle de la fausse-cloison.
Je n’ai pas réussi à faire une bonne coupe de la fausse-cloison parce que les valves sont très dures et le tissu de la fausse-cloison très mou. Le tissu de la fausse-cloison envahit toute la cavité du fruit : nombreuses couches de cellules (=parenchyme), apparemment pas d’épiderme (au contraire des valves), graines moulant des creux dans la fausse-cloison alternativement d’un côté et de l’autre ; je n’ai pas vu de funicules, probablement lysés.
Les valves montrent une zone de déhiscence sclérifiée, un épiderme avec des stomates, et, côté intérieur, une assise mécanique particulière que j’interprète comme un épiderme modifié (l’épiderme de la face interne du carpelle) et qui, au cours de la maturation, maintient la valve sous tension, libérée brutalement lorsque la zone de déhiscence « lâche ».
- D=zone de déhiscence, M=assise mécanique, E=épiderme
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- Epiderme de la face externe de la valve, noter les stomates
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- détail de la zone de déhiscence, sclérifiée
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- Dans l'interprétation de l'assise mécanique comme un épiderme modifié, la couche épaisse qui coiffe les cellules serait la cuticule, très épaisse. Fond clair
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- La même en lumière polarisée analysée
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3 Quelles conclusions tirer de tout ça (et des messages précédents) ?Sylvain a dit « 3 intervenants=3 zoologues ». Non, Sylvain, trois naturalistes, fondés à rechercher une relation structure/fonction (qu’il s’agisse d’animaux ou de végétaux) d’après leurs observations et à proposer – ce que tu as fait à propos de la présence des champignons – des hypothèses plausibles, en attendant qu’elles soient réfutées ou corroborées par de nouvelles observations. C’est la dure loi de la méthode scientifique.
Alors, la fausse-cloison = support des graines ? Pour la Monnaie du Pape, OUI. L’
Alyssum, NON. Pour la Cardamine, peut-être, en tous cas, au moins calage des graines (la déhiscence « explosive » ne sera efficace pour la dissémination que si les graines ne sont plus attachées par leur funicule (ou très peu), et la fausse-cloison qui emplit toute la cavité interdit aux graines de se balader dans le fruit…).
Pour reprendre la remarque de GeLe, assortie d’une pertinente réflexion thermodynamique, on pourrait dire « oui, la fausse-cloison de
Lunaria sert de support aux funicules des graines ; point barre ». Ce serait trop simple, ce serait botter en touche.
Je pense que la fausse cloison
- constante dans la famille des Brassicaceae,
- mais absente chez le Papaveraceae à siliques,
- variable dans sa structure (
Alyssum : 2 couches de cellules mais pas partout ;
Lunaria : 2 couches partout,
Cardamine : nombreuses couches, en somme membraneuse (
Alyssum, Lunaria) ou capiton (
Cardamine), et il reste toutes les autres Brassicaceae à examiner,
- autorisant des modes de dissémination variés (au moins anémochorie/autochorie),
- servant aussi de support à de possibles symbiotes,
est une innovation qui est apparue tôt dans l’évolution, avec l’origine de la famille des Brassicaceae et que cette évolution a conduit à la diversification morphologique et fonctionnelle des siliques et des silicules. Si nous sommes des darwiniens impénitents, nous dirons qu’au départ puis à chaque étape il a fallu que ces innovations présentent un avantage sélectif dans tel ou tel environnement.
4 Une conclusion à la conclusion ?Gardons-nous de tout finalisme aussi bien que de toute simplification abusive. Une espèce ne fait pas l’autre. Les sciences de la nature étant des sciences d’observation, la méthode scientifique consiste ici à poser des hypothèses et à tenter de les réfuter (ou de les corroborer) en accumulant des observations plus qu’en organisant une expérimentation reproductible, démarche que nous laissons aux physiciens, aux chimistes et, par exemple, aux généticiens.
Mais, comme tu l’as bien dit, Sylvain, il faut aussi parfois admettre que l’on ne sait pas…
Cordialement
Gérard Breton