Bonjour à tous !
Comme vous le savez déjà, j’ai une sorte de fascination pour les grains de pollen, ces spermatozoïdes volants… En effet, que la plante confie son pollen aux vents comme les conifères (Cyprès, Pin d’Alep), ou certains arbres communs (Peupliers, Saules), ou les Graminées (Carex), aux oiseaux comme le Feijoa, ou aux insectes comme les Orchidées ou l’Origan, le grain de pollen transite généralement par les airs… Seule exception notable, l’autofécondation où le grain ne quitte pas la fleur natale… Mais elle est peu commune, des barrières biochimiques l’interdisant chez la plupart des plantes.
Au cours des trois dernières années j’ai remarqué qu’assez régulièrement, les dimensions de mes grains photographiés étaient inférieures aux dimensions officielles, ou du moins se situaient dans la tranche inférieure minimale connue. Pourquoi ?
En lisant la Thèse de Charlotte Prieu (Évolution et Développement des grains de pollen chez les angiospermes.), j’apprends que : « Il est notable que certains grains de pollen peuvent perdre plus de 35% de leur eau, parfois plus, en attendant de pouvoir s’hydrater à un stigmate compatible. »
Du coup m’est venue l’idée de faire une expérience en préparant des lames le 22 mai 2018 :
- 42 jours après le prélèvement de Cneorum tricoccon le 10 avril 2018
- 32 jours après le prélèvement de Acer platanoides Le 20 avril 2018
- 22 jours après le prélèvement de Phlomis fruticosa le 30 avril 2018
- 1 jour après le prélèvement de Sherardia arvensis 21 mai 2018
Résultats
- Cneorum tricoccon : dimensions mesurées : 47,8 à 58,9 µm ; dimensions officielles : 64 (60.7-66.1) μm.
- Acer platanoides : dimensions mesurées : 27,7-28,6 µm ; dimensions officielles : 32 (31.3-34.9) μm.
- Phlomis fruticosa : dimensions mesurées 36-37 µm ; dimensions officielles : 38 (36.2-39.7) μm.
- Sherardia arvensis : dimensions mesurées 22,8 à 24,3 µm ; dimensions officielles ; 18-24 µm.
Discussion
Plus on s’éloigne dans le temps entre le prélèvement et le montage sur lame, plus la taille des grains diminue et je sais maintenant que c’est par la déshydratation… Ce qui explique les dimensions inférieures aux moyennes constatées de certaines de mes préparations, puisque je prélève quelques fleurs que je mets dans des enveloppes portant tous les renseignements de terrain et que je prépare mes lames quand... je le peux , parfois plus d’un mois plus tard… voire plus !
Il s’agit d’un biais méthodologique personnel, mais finalement, il ne change pas grand-chose, puisque la forme du grain demeure assez constante dans les délais expérimentés. Il me semble que cette déshydratation resserre les colpi, l’exine se comportant comme un épais blindage assurant la tenue générale de la forme de l’ensemble. Mais évidement, la taille en est diminuée…
Cet impact temporel est pour moi inattendu, car les résultats de la paléo-palynologie, de l’archéo-palynologie, où tout simplement les prélèvements de Théodore Monod au cœur du Sahara (qui montrent la présence dominante d’une flore méditerranéenne !), m’ont en quelque sorte inculqué l’idée de grains de pollens invariants.
En y regardant de plus près, sur PalDat, certaines espèces sont représentées sous forme sèches (Dry pollen grains) en complément des images MEB de formes fraiches (l’exemple de Ruta graveolens sur PalDat). La forme du grain est alors comprimée et ne ressemble plus beaucoup au grain initial. Il faut à ses spécialistes palynologues de biens vastes connaissances pour réaliser des analyses pertinentes à partir de prélèvements qui remontent le temps…, connaissances qui incluent les formes fraiches et les formes totalement déshydratées…
Le jeune amateur que je suis n'a qu'une chose à dire :
Chapeaux aux artistes !