Histoires de pollen et d’insectes

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Histoires de pollen et d’insectes

Messagede 6le20 » 06 Avr 2018 09:45

Bonjour à tous !

Une petite réflexion que je vous partage et pour laquelle j'accepterais volontiers toute critique constructive... :mrgreen:


Histoires de pollen et d’insectes

Quand un insecte vient dans une fleur, il y vient se nourrir, soit de pollen, soit de nectar. Dans les deux cas, du pollen demeure accroché dans ses poils.

On voit ici une abeille dont la tête est enfouie dans les étamines d’amandier dont les grains de pollen sont nécessairement déposés sur sa toison :

Fig 1-Abeille amandiers Azille-crop-LG.jpg
Exif et Meta MicroCartouche Fig 1-Abeille amandiers Azille-crop-LG.jpg (143.75 Kio) Vu 3003 fois


Comme plusieurs espèces de plantes fleurissent en même temps, il est évident que des grains de pollen d’espèces différentes se retrouvent mélangés dans la pilosité d’un même insecte. Sur le stigmate, partie supérieure du pistil, on retrouve cette diversité des espèces visitées. Pour le démontrer, il suffit de prélever à la loupe plusieurs stigmates de la même plante et de les monter entre lames et lamelle après un nettoyage à l’alcool et une coloration. On constate alors qu’il y a des espèces paillasson sur lesquelles les abeilles et autres s’essuient…, comme le Caille-lait jaune (Galium verum Linné, 1753) sur lequel j’ai compté jusqu’à 4 pollens de forme différentes (jusqu’à 6 sur des Brunelles), c’est-à-dire de familles de plantes différentes ! Mais chez cette espèce, j’ai eu des difficultés à trouver au niveau des stigmates les grains de sa propre espèce.

Fig 2 Galium verum-PYR070-4a mélange-Ascou-1 08 2017-LG.jpg
Exif et Meta MicroCartouche Fig 2 Galium verum-PYR070-4a mélange-Ascou-1 08 2017-LG.jpg (129.16 Kio) Vu 3005 fois


Cette difficulté à trouver des grains de pollen de sa propre espèce collés au stigmate pose la question du devenir du grain lorsqu’il remplit son office : est-il absorbé ? Est-il vidé ? :?:

Il est notable que certains grains de pollen peuvent perdre plus de 35% de leur eau, parfois plus, en attendant de pouvoir s’hydrater à un stigmate compatible (Voir Thèse Prieu). Cette stratégie permet de réduire la taille et le poids de grains, favorisant leurs déplacements.

Si chez les mammifères il existe un mécanisme biochimique de protection de l’ovule contre les intrusions multiples, chez les plantes le processus est différent. En effet chez la plupart des plantes, il faut que plusieurs grains de pollen puissent fertiliser les ovules qui sont parfois très nombreux, chacun donnant une graine. Il existe donc des barrières biochimiques qui autorisent le développent du tube pollinique de l’espèce considérée et qui inhibe le développement de ceux des autres espèces… Ce mécanisme se situe au niveau des cellules superficielles du stigmate.
Il inhibe aussi d’ailleurs, chez de très nombreuses espèces, la germination pollinique des grains issus de la même plante, on parle alors d’auto-incompatibilité pollinique. (Beaucoup de recherches actuelles en ce domaine !)

Les cellules superficielle du stigmate ne font pas que mettre à disposition l’eau nécessaire à la germination du grain de pollen, mais délivre aussi un passeport d’entrée sous forme de composés biochimiques apparemment liés aux phénols.

Extrait de Du pollen à l'ovule ou le difficile parcours du tube pollinique (pdf de Michel Derouet, membre du forum)
Au contact du stigmate, la couche des matériaux précédemment déposés à la surface du pollen se réhydrate. Cette couche devient fluide et s’écoule par gravité ou polarité vers le point de contact avec le stigmate. Le pollen subit alors une tension de surface et adhère aux papilles des stigmates. À la surface de ces papilles existe un récepteur qui lie la protéine SCR/SP11 présente à la surface du pollen. Le stigmate synthétise alors une glycoprotéine (SLG) qui augmente l’activité du récepteur. La fixation de cette protéine à son récepteur stigmatique déclenche une cascade d’évènements biochimiques qui, déjà, conduit à l’acceptation ou au rejet du pollen.
Des pollens “étrangers“ au genre peuvent ne pas se réhydrater sur le stigmate. L’absence de réhydratation du pollen altère grandement sa germination. C’est là un autre obstacle à franchir dans le cas d'hybridation intergénérique.

Fig 3 Derouet-mitose et pollen-LG.jpg
Exif et Meta MicroCartouche Fig 3 Derouet-mitose et pollen-LG.jpg (183.12 Kio) Vu 3003 fois
Cycle des angiospermes. Auteur : LadyofHats, Mariana Ruiz Traducteur : Cehagenmerak Licence Creative Commons (Extrait de Derouet)

C’est ce mécanisme qui chez des espèces proches phylogénétiquement, autorise parfois des hybridations. C’est, je pense, ce qui explique les périodes de floraison différentes dans le temps pour de nombreuses espèces appartenant à la même famille dans un même biotope : cette succession est nécessaire à la bonne singularisation des espèces qui sinon finiraient par s’hybrider en formant une nouvelle entité spécifique par harmonisation génétique. Un mécanisme évolutif rapide, rarement évoqué… mais qui pourrait expliquer en partie l’impact des multiples glaciations quaternaires sur la flore d’Europe. Car si l’isolat est un paramètre évolutif évident, la sympatrie n’est, à ma connaissance, jamais évoquée…


En guise de conclusion

Les multiples grains de pollen déposés accidentellement par les insectes pollinisateurs au niveau du stigmate de la plante font l’objet d’un tri au niveau de sa paroi cellulaire. La complexité biochimique sous-tendue est encore mystérieuse sous bien des aspects, d’autant que cette exclusion des grains de pollens étrangers est simultanément appliquée aux grains de pollen issus de la même fleur.

Force est de constater que depuis le dernier tiers du Crétacé ce système d’inclusion/exclusion fonctionne en dépit des multiples sollicitations complexes délivrées par les insectes… et le vent…
Amicalement

Sylvain
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Re: Histoires de pollen et d’insectes

Messagede BINO-BONI » 06 Avr 2018 13:43

Pour ce qui est de la visite des fleurs par les pollinisateurs, tous n'adoptent pas le même comportement.
Les abeilles d'une colonie par exemple ne visitent qu'une demi douzaine d'espèces en même temps. Dans les pelotes récoltées on trouve en effet rarement plus de 7 sortes de pollens différents:( photos 1 et 2 triée visuellement sur la couleur). la photos 4 montre le résultat d'un mélange de pelotes prélevées la même journée.
Par contre UNE abeille en cours de travail ne visite qu'une seule espèce! la preuve est apportée par l'observation des pelotes au microscope, lesquelles ne contiennent qu'une seule sorte de pollen. photo 3
L'histoire ne dit pas si l'abeille change de spécialités (espèces visitées) au cous de la même journée voire au cours de sa brève vie de butineuse (moins d'un mois)
Fichiers joints
pelotes pollen-2-800.JPG
Exif et Meta MicroCartouche pelotes pollen-2-800.JPG (238.78 Kio) Vu 2975 fois
pelotes pollen-800.JPG
Exif et Meta MicroCartouche pelotes pollen-800.JPG (116.76 Kio) Vu 2973 fois
PELOTE-3-10-02-13--x25-FC-VM+GG-0026-800.jpg
Exif et Meta MicroCartouche PELOTE-3-10-02-13--x25-FC-VM+GG-0026-800.jpg (223.03 Kio) Vu 2974 fois
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Re: Histoires de pollen et d’insectes

Messagede Dutilleul9 » 07 Avr 2018 11:24

Bonjour,

Wouah, c'est très bien aussi, ces photos de pelotes !
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Re: Histoires de pollen et d’insectes

Messagede 6le20 » 08 Avr 2018 09:03

Bonjour à tous !

Cela faisait à peine quelques heures que j’avais finalisé mon petit exposé, que déjà d’autres interrogations me venaient…

Nul part je n’ai vu mention de la couche de gras qui entoure les grains des espèces collantes dans la thèse de Prieu. Elle a fait toutes ses images au MEB et omet, ou ignore apparemment, ce que ce type de préparation enlève aux grains. Pourtant, elle affirme, avec de nombreux autres dans la littérature, que les grains se déshydratent, perdant parfois jusqu’à plus de 35% de leur masse.
Je ne comprends pas, car je pensais bêtement que cette couche de gras, outre ses propriétés mécaniques autocollantes, permettait aux grains de conserver leur eau… Cette couche de gras, que nous faisons fondre avec de l’alcool à 95% dans les préparations classiques (6 dégraissages !), possède visiblement d’autres propriétés en combinaison, puisque qu’au contact du stigmate idoine elle permet au grain de se mouiller de façon spécifique. C’est peut-être à ce niveau là qu’intervient la sélection des grains rejetés…, mais pas en ce qui concerne les grains exclus de la même plante, qui font appel à un autre mécanisme.

Décidément, dès que l’on creuse un aspect, surgissent d’autres énigmes…


Merci Jean-Claude pour ce petit exposé des habitudes de l'abeille domestique. Les insectes "nectarophages" sont beaucoup moins exclusifs dans leurs choix..., d'où ces stigmates que j'ai qualifié de paillasson à pollen...
Amicalement

Sylvain
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