Bonjour Marc, bonjour à tous,
Marc a écrit: … Bon comestible le laccaire améthyste ? Mélangé à l’huile d’olive, l’ail, le persil, les tomates, la chapelure, je me demande si on peut encore reconnaitre le « goût » du laccaire…
Avant d’essayer
L. amethistina avec diverses préparations et autres mets d’accompagnement, je l’avais bien entendu d’abord goûté seul, juste avec peu de beurre et de sel dans la poêle (et surtout sans persil, ni ail, etc.). Je procède d’ailleurs toujours comme ça pour tout nouveau champignon que je goûte.
Personnellement, je trouve
L. amethistina plutôt à mon goût, en tout cas nettement meilleur que pas mal d’autres espèces peu goutteuses que j’ai essayées. Certes, je ne classe cependant pas cette espèce dans ma liste personnelle des champignons « tops gastronomiques » mais je la mettrais bien dans mes listes au minimum à un niveau très proche du sommet du niveau 3, voire dans le bas du niveau 2 (les espèces que je mets dans le niveau 4 étant celles que j’ai trouvées sans goût vraiment intéressant, voire pas bonnes du tout, et donc que je ne cueille plus). C’est aussi pour cela que je trouve que l’utilisation de
L. amethistina en garniture d’un plat adapté (type tomates ou autres légumes poêlés) le met davantage en valeur. Mais tout ça n’est bien entendu qu’une affaire de goût personnel…
Marc a écrit: … OK, je veux bien l’admettre : il y a, en matière de « mycogastronomie », ceux qui ont une sensibilité très subtile et d’autres, qui l’ont un peu frustes. J’appartiens sans doute à la deuxième catégorie.
Apparemment oui, mais rassures-toi tu es très loin d’être le seul ! Les gens dont les goûts « mycogastronomiques » sont « un peu frustes » (j’aime bien ta formule) sont très répandus, et j’ai même l’impression qu’ils sont probablement les plus nombreux. Mon ancien formateur en mycologie, et accessoirement en mycogastronomie, (un maître de conférences à la Fac) appartenait ainsi lui-même à cette dernière catégorie. De même que par exemple ma femme, dont j’essaye pourtant d’éduquer le goût pour les champignons depuis des décennies en la soumettant aux mêmes essais « mycophagiques » que moi… Heureusement, j’ai quand même quelques copains qui partagent tout ou partie de mes goûts en la matière.
Marc a écrit: J’ai néanmoins nommé quelques espèces « méritantes » (très peu, ai-je précisé).
Ta liste est vraiment très courte, bien trop courte en fait. Tu devrais vraiment goûter attentivement quelques autres espèces, cuites comme il sied. Je ne vais pas me lancer dans une longue énumération (qui, pour ce qui me concerne, serait vraiment longue) mais j’ai du mal à croire que, par exemple, tu puisses vraiment rester insensible au petit goût subtil de noisette, presque sucrée, de
Russula cyanoxanta (la Russule charbonnière), au doux parfum, un poil fariné, de
Clitopilus prunulus (le Meunier), à celui, presque légèrement enivrant, de
Marasmius oreades (le Faux mousseron), à la saveur raffinée de
Lepista nuda (le Pied bleu), à celles de
Tricholoma columbetta, des tout jeunes individus de
Coprinus comatus (le Coprin chevelu) ou, tout simplement, de la banale
Lepiota procera (la Coulemelle), mon champignon préféré entre tous lorsqu’il s’agit de très jeunes individus très bien cuisinés (réussir parfaitement la cuisson des lépiotes est toutefois un petit chalenge pour qui n’en a pas l’habitude)…
Marc a écrit: Dans mon intervention, ce que je voulais mettre en évidence c'est ce que tu n’as pas cité :
« En tant que naturaliste, je m’étonne (pour ne pas dire plus) que les champignons provoquent automatiquement la question « comestible/pas comestible ». L’immense majorité des champignons n’a aucun intérêt gastronomique. Ils devraient davantage être admirés pour leur formes, leurs couleurs, souvent remarquables (comme ce laccaire, quand il est encore vivant). »
Tous les livres sur les champignons (ou des sites très sérieux) se croient « obligés » d’ajouter des fourchettes ou des étoiles, pire : des « à rejeter », ou « sans intérêt » au bas de chaque fiche d’espèce. Ils entretiennent ainsi cette obsession que je dénonce.
J’avais bien sûr très bien compris et, si j’ai réagi en sens inverse, ce n’est en fait pas pour contester le fond de ta pensée, et de ta réaction, mais plutôt le nuancer, le tempérer.
Et cela d’autant plus que je suis, sur le fond, du même avis que toi : les champignons méritent évidemment toute notre considération en tant que simples êtres vivants, qui plus est splendides, un peu mystérieux de prime abord, merveilleux… Les réduire à un trivial rang d’aliment, ou de poison potentiel, est pauvre, décadent…
Cela dit, pourquoi ne pas reconnaître aussi que pas mal d’entre eux sont bons à manger, voire excellents, et permettent de constituer des mets raffinés.
Ce qui m’agace profondément, comme toi, c’est le mépris que certains imbéciles affichent pour les espèces de champignons non comestibles ou de très faible intérêt gastronomique (et je ne parle même pas des espèces toxiques ! ). Les champignons divers renversés à coups de pied ou de bâton par quelques chercheurs idiots de cèpes et de girolles me font hérisser le poil ! Et les mentions des guides mycologiques « sans intérêt » ou, pire, « à rejeter » (heureusement quand même moins souvent rencontrée de nos jours), sont effectivement fourbes, sournoises, trompeuses, pour ne pas dire des faux-sens, entretenant tout à fait ce mépris. Ces mêmes guides devraient bien sûr d’abord et avant tout mettre en exergue toute la richesse de la biodiversité représentée par les champignons, l’originalité et la variabilité de leur biologie et de leur écologie… Leur valeur gastronomique, ou leur toxicité, ne devraient quant à elles n’apparaître que tout à fait secondairement (c’est quand même heureusement déjà un peu le cas dans certains bouquins).
Mais à côté de ça, ne négligeons pas non plus l’important rôle que joue cette même valeur gastronomique dans la popularité des champignons, dans l’intérêt que les gens leur portent et même la curiosité que beaucoup affichent à leur égard. La comestibilité des champignons a de tout temps fait partie de la culture populaire. Normal donc que cet aspect soit systématiquement exposé dans les publications sur les champignons.
D’ailleurs, combien de mycologues ont d’abord été des chercheurs de champignons pour la table avant de se passionner pour l’ensemble des espèces ? Personnellement, c’est en tout cas le chemin que j’ai parcouru. En suivant, j’ai ainsi fait un certificat de cryptogamie (vasculaire) et, si je me suis ensuite également beaucoup intéressé aux lichens et aux mousses (du moins dans un lointain passé, n’ayant hélas ensuite guère entretenu cette passion par manque de temps), au départ c’est peut-être bien en fait aussi un peu à cause du goût des girolles et des bolets ! Et probablement aussi des félicitations que je recevais de mon entourage lorsque, adolescent, je ramenais une belle cueillette de champignons pour la poêle.
Si, parmi nos limaces et araignées, que tu citais dans ton premier post dans ce fil, il y avait quelques espèces réputées bonnes comestibles, l’attitude de beaucoup de gens à l’égard de l’ensemble de ces deux groupes animaux ne serait-elle pas un peu moins bêtement négative ?
Les escargots, animaux bons comestibles dans la culture populaire, peuvent parfois s’avérer presque aussi gênants que les limaces sur certains légumes cultivés dans nos jardins. Pourtant, les jardinier à les respecter (par exemple en simplement les déplaçant à l’écart de leur jardin) sont considérablement plus nombreux que les rares jardiniers naturalistes (les médias diraient écolos) faisant de même avec les limaces !
Marc a écrit: Mon propos a-t-il sa place sur un site naturaliste ? Je pense que oui. Mais la contestation aussi, bien entendu ! …
Bien évidemment que oui ! Quant à ma contestation, elle est en fait des plus relatives (
Cf. ci-dessus).
Cependant, chercher à faire évoluer la culture populaire vers des positions beaucoup plus naturalistes (et il y en a hélas encore très grand et urgent besoin ! ) ne doit pas pour autant conduire à renier les bases de cette même culture, ni même simplement les négliger.