Bonjour le forum !
Attention : comme me l'a fait remarqué Daniel Crabbé, la citation ci-dessous n'est pas de lui mais de Gérard Weiss. Je ne l'ai pas modifiée directement afin de respecter la logique du fil de discussion.DanielCrabbé a écrit:Il est quand même curieux que l'on ait mis autant de temps à s'apercevoir que ce champignon très commun et aisément reconnaissable était mortel !
Vu que beaucoup en ont consommé sans problème, je soupçonne que les toxines du paxille enroulé (
Paxillus involutus) ne sont pas assez accumulées dans les tissus du champignon pour tuer à coup sûr (j'entends par là : avec une probabilité très élevée) un être humain bien portant. Il doit donc exister un effet seuil (par kg de masse corporelle) suffisamment haut pour que beaucoup ne l'aient pas atteint, soit parce qu'ils ont consommé peu de champignons, soit parce que l'effet des toxines n'apparaît qu'à un certain stade du développement du basidiome et/ou est atténué par une cuisson prolongée (toxines thermolabiles), soit parce que la population de paxille enroulé est hétérogène par rapport au taux de toxines produites (influence de l'environnement, écotypes, etc.). Ceci par opposition à des champignons tels que l'amanite phalloïde (
Amanita phalloides) où la dose létale pour l'homme est d'environ 30g, soit environ la moitié d'un chapeau. Sauf appétit d'oiseau ou traitement rapide et drastique, il est alors peu probable d'en réchapper.
Toutes ces raisons ont probablement retardé les études toxicologiques, encore que le décès de J. Schäffer en octobre 1944, qu'on n'accusera pas de s'être trompé dans sa détermination, commence à dater.
Il y a d'autres exemples dans ce genre : un cas bien connu est celui du gyromitre comestible (
Gyromitra esculenta), dont la toxicité est principalement due à la monométhylhydrazine (par hydrolyse de la gyromitrine), une toxine volatile et thermolabile. Il est alors vraisemblable qu'une cuisson à l'étouffée soit particulièrement dangereuse, alors que des spécimens bien cuits et débarrassés de leur eau de cuisson le seront moins (mais prudence tout de même !).
Il faut aussi tenir compte des variations du métabolisme (influence génétique) de chacun d'entre nous, qui expliquent en partie pourquoi, dans une même assemblée de personnes ayant consommé la même quantité de champignons, certains sont incommodés et d'autres non.
Et ceci sans parler des cas encore différents où ce sont les métaux lourds particulièrement bien accumulés par un champignon qui sont responsables de sa toxicité. Je crois que c'est une des explications qui ont été avancées pour les cas d'intoxication avec le tricholome équestre (
Tricholoma equestre).
Lors d'un module de toxico que j'ai suivi à la fac, le prof nous assurait qu'il pouvait tuer tout le monde à peu de frais dès lors qu'on voulait bien se laisser injecter quelques ml d'air dans une veine (embolie, tout ça...)
![Rire :lol:](./images/smilies/icon_lol.gif)
. C'était une manière provocatrice de nous faire toucher du doigt l'importance de la durée d'exposition, du type d'exposition, de la concentration reçue, de la stabilité de la toxine, etc. dans la prise en compte de l'évaluation de la toxicité, en lieu et place d'une vision binaire toxique/consommable. C'est un peu pareil pour les bactéries commensales de la flore intestinale : très utiles dans l'intestin, elles peuvent devenir pathogènes dès lors qu'elles se retrouvent dans un autre organe.
Ceci étant, on ne peut que déplorer que l'information ait été aussi mal propagée... entre 1944 et 1959, c'est une
honte.
Cordialement,
Eddy