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Les hominidés.

MessagePosté: 13 Nov 2018 15:41
de GeLe
Bonjour.
Comme on parle de détermination d'espèces pour le moment, quelqu'un aurait-il un avis sur notre lignée fossilisée, dans laquelle on nous présente toujours les spécimens sous l'appellation "Genre espèce" :

Ardipithecus ramidus
Australopithecus anamensis
Australopithecus afarensis
Australopithecus africanus
Homo rudolfensis
Homo habilis
...
Homo sapiens

C'est une liste qui va des dates supposées d'apparition 4,4 millions d'années à 200.000 ans.
A la fin du paragraphe sur la lignée des hominidés, on signale que "l'arbre évolutif humain pourrait bien posséder plus d'embranchements et d'espèces éteintes qu'on ne le pensait auparavant...comme un buisson..." mais on ne dit pas qu'un Ardipithecus anamensis aurait pu avoir une descendance avec une Australopithecus ramidus, par exemple. Qu'on ne le dise pas semble logique parce qu'on nous présente des espèces différentes et que des espèces différentes sont censées ne pas se reproduire ensemble ou, du moins, ne pas avoir de descendance viable.
Mais comment des paléontologues peuvent-ils être si certains que le spécimen qu'ils ont découvert, sous prétexte de différences morphologiques, appartient à une nouvelle espèce, voire un autre Genre ? Qu'il y ait des différences morphologiques n'empêche pas un croisement, on le voit bien avec les races de chiens. Des croisements entre hominidés morphologiquement différents ne pourraient-ils au contraire être un moteur d'évolution ? Et par conséquent, la liste "Genre espèce" être totalement artificielle et trompeuse ?

Re: Les hominidés.

MessagePosté: 13 Nov 2018 18:13
de Olivier61
GeLe a écrit:Mais comment des paléontologues peuvent-ils être si certains que le spécimen qu'ils ont découvert, sous prétexte de différences morphologiques, appartient à une nouvelle espèce, voire un autre Genre ? Qu'il y ait des différences morphologiques n'empêche pas un croisement, on le voit bien avec les races de chiens. Des croisements entre hominidés morphologiquement différents ne pourraient-ils au contraire être un moteur d'évolution ? Et par conséquent, la liste "Genre espèce" être totalement artificielle et trompeuse ?

Cette définition de l'espèce n'est plus vraiment d'actualité. De nombreuses espèces de plantes peuvent en effet s'hybrider et avoir une descendance fertile, bien qu'ayant des caryotypes différents. C'est plus rare chez les animaux mais on connait un exemple récent : l"ours polaire et le grizzly peuvent en effet se reproduire et avoir une descendance fertile. On estime donc que 2 espèces sont définies lorsqu'il n'y a plus d'échanges génétiques entre elles (isolement géographique par exemple) et qu'elles vont donc évoluer différemment. Il y avait donc bien 2 espèces différentes (ours polaire et grizzly) issues certainement d'une population commune mais le réchauffement climatique a rompu leur isolement et il est probable que les 2 se fondent en une nouvelle espèce.
Quant aux homininés, c'est plus compliqué, car on n'a pas accès aux données génétiques et qu'il est probable qu'on n'ait retrouvé qu'une fraction des espèces "ancestrales". Rien ne pourra jamais confirmer ou infirmer que tel ou tel fossile est l'ancêtre d'Homo sapiens ou un lointain cousin. Les hybridations ont forcément eu lieu puisque différentes espèces ont coexisté. Les séquençages d'ADN néandertaliens ont d'ailleurs mis en évidence une hybridation H. sapiens / H. neanderthalensis.

Re: Les hominidés.

MessagePosté: 13 Nov 2018 21:25
de GeLe
Merci Olivier.

On estime donc que 2 espèces sont définies lorsqu'il n'y a plus d'échanges génétiques entre elles (isolement géographique par exemple) et qu'elles vont donc évoluer différemment


Je préfère voir les choses ainsi. Si les hominidés, il y a 4 millions d'années, possédaient tous 46 chromosomes, tout était possible dès qu'ils étaient réunis. Les noms de Genre et d'espèce n'ont guère d'intérêt.

Re: Les hominidés.

MessagePosté: 14 Nov 2018 10:47
de Daniel
Bonjour,
je ne vais pas limiter aux catégories d'hominidés car cela pose le problème des relations science et éthique. Les philosophes et moralistes distinguent en effet l'homme des animaux alors que les biologistes intègrent les humains au monde animal.

De façon générale, ce problème de la définition de l'espèce n'est pas seulement au cœur du travail des naturalistes, elle est, en passant par Linné qui l'a formalisé le premier, au cœur de la biologie depuis l'antiquité jusqu'aux temps actuels ou "plus rien n'a des sens en biologie sinon à la lumière de l'évolution" .
Olivier61 a écrit:Cette définition de l'espèce n'est plus vraiment d'actualité.
Le problème est que si on réfute le critère de non fécondité, on renforce le critère morphologique dont il est encore plus évident qu'il n'est pas totalement opérationnel.
De plus, le critère moderne génétique ne s'applique pas aux fossiles et n'est pas encore en l'état des connaissances bien discriminant car, d'un coté de nombreux gènes sont communs entre espèces et d'autre part, au sein des espèces, on peut parfois génétiquement distinguer des populations .
Le programme actuel de Ts en SVT donne une bonne définition assez nuancée de l'espèce (en contrepartie, c'est peu opérationnel):
"Une espèce peut être considérée comme une population d'individus suffisamment isolés génétiquement des autres populations. Une population d'individus identifiée comme constituant une espèce n'est définie que durant un laps de temps fini."

Gele a écrit:Les noms de Genre et d'espèce n'ont guère d'intérêt.
Au contraire, mème si la proximité des populations fossiles était plus grande que ne l'imaginent les paléontologues, le fait de classer en genre et espèces et de mettre en relation avec le temps les divergences de ces catégories, est un grand argument pour la théorie de l'évolution.

En fait, les notions de genre et d'espèce sont une façon de décrire la diversité du vivant. il y a en plus une diversité intraspécifique...
C'est comme de décrire des unités géographiques:
( d'ailleurs les espèces ont souvent des répartitions en lien avec les séparations géographiques! )
Les continents sont bien globalement isolés par les océans, mais parfois, les aléas de leur dérive les fait se séparer ou se fusionner. Dans les 2 cas, les unités n'existent qu'en un temps donné. Mais elles existent bien et peuvent être définies par l'esprit humain...

Re: Les hominidés.

MessagePosté: 14 Nov 2018 12:44
de GeLe
Bonjour.

"Une espèce peut être considérée comme une population d'individus suffisamment isolés génétiquement des autres populations. Une population d'individus identifiée comme constituant une espèce n'est définie que durant un laps de temps fini."

C'est bien ce qu'Olivier avait dit. Je me contenterai de retenir que cette définition n'implique aucune considération sur la généalogie, qui risque d'être toujours un embrouillamini. Personnellement, j'ai toujours rechigné à retenir les noms des hominidés et je serais vraiment très ennuyé si je devais donner un cours sur ce sujet. Quand je lis que les spécialistes soupçonnent qu'il y avait chez les Australopithèques un dimorphisme sexuel très prononcé qui peut faire prendre un spécimen femelle ou mâle pour une spéciation, je suis carrément dégoûté. Donner aux étudiants les noms de baptême sous forme de genre et espèce, d'accord, mais en les dissuadant d'essayer de se représenter une généalogie. Retenir les estimations des âges d'apparition de quelques spécimens devrait suffire.

Re: Les hominidés.

MessagePosté: 14 Nov 2018 13:27
de Daniel
Gele a écrit:cette définition n'implique aucune considération sur la généalogie
Certes, mais dans un contexte ou la théorie de l'évolution englobe toute la biologie, il est impossible de présenter des espèces sans leur "généalogie".

Gele a écrit:Donner aux étudiants les noms de baptême sous forme de genre et espèce, d'accord, mais en les dissuadant d'essayer de se représenter une généalogie.
La prudence et l'expérience des changements d'hypothèse des dernières années impose de proposer des arbres évolutifs avec des pointillés.
Mais l'établissement d'arbres évolutifs est justement le but des classifications actuelles.

Tant pis si les phylogénies établies actuellement doivent subir des remaniements ultérieurs!
Il faut accepter le coté hypothétique des sciences et la possible remise en question de ce qui est affirmé un temps.

Ceci dit, les cadres anciens peuvent encore servir après des progrès des connaissances scientifiques: pas besoin de la théorie de la relativité pour faire rouler des trains avec les lois physiques du XIXe, et en biologie, la systématique linnéenne binominale peut très bien s'intégrer au travail actuel des naturalistes et mème anthropologues dans un cadre phylogénétique.