Effet de l'Aspirine sur les plantes.

[GeLe]

Bonjour.

Comme il me semble avoir observé que l'acide acétylsalicylique (Aspirine) stimule la multiplication de protozoaires et les maintient en vie plus longtemps (Essai que je dois répéter à différentes concentrations), je me suis souvenu que ma grand-mère avait dit un jour qu'une aspirine dans l'eau d'arrosage des fleurs permettait de les garder plus belles. Avait-elle entendu braire un âne-charlatan ou cet effet est-il connu ?

[Bernard-J]

Bonjour Gérard, tous,
C'est une question très intéressante. Cette substance en apparance maintenant banale présente de nombreux effets.
En ce qui concerne les protozoaires, j'ai lu que l'aspirine inhibait la croissance de Tetrahymena. Mais l'effet peut être différent selon les protos - quel est ton modèle ? - et aussi dépendant de la concentration. Il pourrait bien y avoir une augmentation de la croissance à faibles concentrations et l'inverse à plus hautes concentrations. De plus, si tu travailles avec des protos phagotrophes, le régime (bactéries ou nutriments organiques dissous) pourrait donner des différences. En tous les cas, je suivrais tes résultats avec intérêt.
En ce qui concerne les plantes, y'a pas photo ! Il faut toujours écouter et surtout vérifier les dires des grands-mères ..
Ces effets existent.
Les acide acétyl-salicylique et jasmonique sont des hormones végétales responsables de la résistance systémique acquise des plantes. Un peu comme notre système immunitaire, ces substances vont aider la plante à détecter les agressions biotiques (bactéries, champignons, virus) et abiotiques (stress oxydatif, ou dû à une grande variation de température,..) et la plante va réagir en activant ses défenses. Il y a aussi une action sur la floraison et la croissance. La floraison par le contrôle de la production du gas éthylène et la croissance par effet hormonal (comme l'auxine).
Maintenant, si une aspirine ajoutée dans un arrosoir peut être suffisante, je ne sais pas. Néanmoins, en culture cellulaire des effets furent reportés pour des concentrations picomolaires (10E-12 M) et la croissance du blé augmentée avec une concentration de 50 micromolaires. En connaissant la quantité d'acide salicylique dans le comprimé et sa masse molaire qui est 138 g/mol, il est facile de calculer la concentration dans ton arrosoir...
Conclusion: à essayer et nous rapporter les résultats !

[GeLe]

Merci pour ces précieuses infos.

Chez moi, la concentration était 0,001 M (approximativement car je n'ai pas de vraie balance de précision). Donc bien plus élevée que dans les exemples que vous donnez. Important à cette concentration d'utiliser un tampon pH 7,2 car comme son nom l'indique c'est une molécule acide.

Visiblement, ça vaudra la peine de tester des dilutions.

Je vais aussi comparer avec l'acide salicylique qui, sans le groupe acétyl, a un effet anti-inflammatoire nettement moins important paraît-il. Et tester aussi d'autres anti-inflammatoires, à tout hasard, bien que pour l'Ibuprofène et l'Aceclofenac, je ne dispose pas de la molécule pure. En filtrant, ça devrait aller. Cela devrait permettre de savoir s'il y a un rapport avec l'effet anti-inflammatoire ou s'il s'agit d'une propriété du seul acide acétylsalicylique.

[Bernard-J]

Mise au point: je tutoie tous les membres de ce forum, même s'il est évident que les échanges sont variés selon les affinités, compétences et caractères bien différents de chaque membre. Il s'agit en fait d'une connivence respectueuse sur un sujet d'étude plutôt que de copinage de bistrot.

Pourrais-tu préciser quelle est ta question/problématique ? Pourquoi des anti-infammatoires ? Avec quel proto planifies tu ces manips ?
Ma curiosité est bien titillée....
Penser au pH est très bien, mais à mon avis, pour ces très faibles concentrations les autres ions et nutriments dans le milieu vont neutraliser l' acide salicylique (AS). Il faudrait préparer le milieu et y ajouter une mini-quantité concentrée d'AS qui ne va pas changer le pH du milieu. Par ex., pour obtenir 50 uM final, nous ajouterons 100 ul d'une solution mère à 5 mM dans 10 ml de milieu. Pour obtenir la concentration finale voulue, il faut faire une solution mère assez concentrée et faire des dilutions volumiques liquides. Ainsi on se passe de la balance analytique.
Attention, les tampons peuvent aussi influencer les résultats. Ainsi, la question de départ est toujours essentielle pour choisir les conditions / manips et pour diriger l'interprétation des résultats .
Par ex., tu pourrais vouloir
- tester l'ajout d'AS pour augmenter le rendement d'une production de proto en bioréacteur,
- étudier l'influence de l'AS au niveau de la rhizosphère pour une étude de lutte biologique,
- comprendre les modes d'actions moléculaires de l'AS sur un protozoaire donné.
- tester l'influence d'un ajout artificiel d'AS ( micropolluant ) sur un proto modèle en milieu le plus proche du milieu naturel.
Il est facile d'entrevoir que chacune de ces questions va exiger des conditions différentes, et que les résultats obtenus pour une de ces questions seront probablement irrelevants pour une autre question.
Bon, j'ai été trop long, ... mais si cela peut servir,..

[GeLe]

Encore merci à toi, Bernard.

1) Pourquoi les anti-inflammatoires ?
Mon travail de biochimiste, dans une vie antérieure à cheval sur la recherche fondamentale et appliquée, a débuté par l'hypothèse que les anti-inflammatoires seraient des "scavengers" de radicaux libres d'oxygène. A l'époque, des fibroblastes humains étaient cultivés en présence de molécules protectrices potentielles. J'ai pu constater la performance de la Vitamine E, par exemple. Mais je n'ai pas eu l'occasion de tester les anti-inflammatoires car l'exigence de l'industrie pharmaceutique éloigne rapidement de sujets fondamentaux. Dans ce contexte, il y avait d'autres priorités et la compréhension du mécanisme d'action de ces anti-inflammatoires n'était pas une priorité, puisqu'ils se vendent très bien même si on ne sait pas comment ça fonctionne.

2) Quels protos ?
En fait, vu ma formation, ça m'importe peu (même si l'avenir révélera peut-être qu'en cela j'ai tort). Pour moi, un protozoaire est juste une cellule (je sais que c'est faux puisque c'est aussi un organisme, mais quand on choisit un modèle on fait forcément des abstractions). Avec l'immense avantage qu'à la maison, il n'est pas nécessaire de disposer d'une hotte à flux laminaire pour éviter les contaminations bactériennes et contaminations par les champignons. Bien sûr, quand la boîte est envahie de ces intrus, on peut mettre un terme à l'essai.

3) Le pH.
J'utilise bien sûr comme contrôle le tampon seul. Il m'a semblé d'ailleurs que les protozoaires s'y multipliaient mieux que dans de l'eau d'Evian seule (que j'utilise aussi pour préparer le tampon).
Comme les dilutions des molécules acides écarteront le problème du pH, tant mieux, je n'aurai plus à contrôler le pH.

[Bernard-J]

Un article relativement récent (2010) donne une bonne vision concernant les effets d'AS exogène sur les plantes:
Effect of exogenous salicylic acid under changing environment: A review
Tu peux le télécharger directement sur researchgate:
https://www.researchgate.net/profile/Shamsul_Hayat/publication/223218391_Effect_of_exogenous_salicylic_acid_under_changing_environment_a_review._Environ_Exp_Bot/links/0c960526f5a5ee64c4000000.pdf

Concernant l'effet sur les protos, il n'existe pas grand chose, à part pour les parasites. Dans ce cas, les effets sont indirects, l'AS agissant surtout sur l'hôte.
Si tu veux tester l'effet antioxydant de telles substances sur un proto, ce ne sera pas évident car il y a de nombreuses chausse-trappes. Par exemple, les tetrahymenas se débrouillent très bien en condition pratiquement anaérobie, ainsi le simple fait de changer la forme du récipient va changer la donne.
Ce petit film que j'avais publié pourrait donner quelques points de réflexion:
https://www.youtube.com/watch?v=rE_xOShxnAc&list=PL7D3463F09F583B62&index=36
Je t'aide volontiers pour la suite, mais par MP/email car je crains que ces lignes vont rapidement lasser les membres du forum...