guybreit a écrit:qui range-tu dans les "légions de Galilée" ,s'agit-il des savants incompris ou des savants farfelus ?
En fait, j'aime bien cette expression parce que Galilée était en opposition avec l'Église plus qu'avec une communauté scientifique. Cette notion de « communauté scientifique » est d'ailleurs quelque peu anachronique dans ce contexte, en partie parce que les savants de cette époque travaillaient souvent seuls, échangeaient peu (beaucoup de lettres, certes, mais peu ou pas d'articles comme aujourd'hui), vivaient dans une société obscurantiste et violente (le prix d'une hérésie était dissuasif), ne suivaient que partiellement la démarche scientifique (formalisée et systématisée quelques décennies plus tard) et, faute d'une délimitation nette de l'activité scientifique, étaient aussi impliqués dans des domaines très différents (par ex. Newton et l'alchimie).
Pourquoi parler de tout ça ? Parce que cela nous force à constater que, malgré tout ce que l'on dit sur notre époque et ses maux, les interlocuteurs ne sont plus les mêmes et les conditions du dialogue entre scientifiques ont beaucoup changé. C'est un point capital. En l'état actuel, un chercheur ne travaille presque jamais seul (un article d'envergure a souvent une dizaine de coauteurs) et il est peu probable qu'il soit mis dans une situation d'isolement comparable à celle du grand savant italien. Être un « Galilée des temps modernes », c'est un peu comme être partisan du géocentrisme au XXIème siècle : en soi, déjà, ce n'est pas crédible.
Qui sont-ils, ces Galilée-là ?
Ce sont d'abord, en effet, les authentiques farfelus dont les idées n'ont aucune chance de faire leur chemin parce qu'elles sont contredites par les faits. Ce serait le cas d'un chimiste défenseur d'un effet pharmacologique d'une préparation homéopathique, qui aurait « juste » manqué l'épisode du nombre d'Avogadro et ce qu'il entraîne quant à la validité des dilutions extrêmes.
Il y a aussi une partie (pas tous, donc) des lanceurs d'alerte (les anglophones les appellent whistleblower) qui exploitent les craintes du public pour se faire entendre, sans avoir vraiment de bonnes raisons de le faire. Voilà qui pose un vrai problème, parce qu'il y a des situations où les lanceurs d'alerte (les vrais) sont très utiles ! Dans ce genre il y en a quelques-uns du côté du débat sur les antennes-relais.
Enfin, il y a les menteurs et les charlatans, quelles que soient leurs motivations. Un menteur est au service de l'entreprise qui l'emploie, d'intérêts personnels ou non, etc. et n'hésite pas à déformer à son avantage le contenu même d'une publication ! Un seul nom, célèbre entre tous : Benveniste et sa mémoire de l'eau.
Toutes ces personnes en viennent à se comparer à Galilée en tenant le raisonnement suivant :
- Ils prétendent avoir raison et affirment être en mesure d'apporter des preuves tangibles de ce qu'ils avancent.
- Leur avis est à contre-courant de celui de la quasi-totalité des autres spécialistes du domaine : ils sont incompris.
- On cherche à les empêcher de s'exprimer parce qu'ils mettent le doigt là où ça fait mal.
- De même, ils laissent souvent entendre que leur laboratoire connaît soudain des problèmes de financement...
- Pire, on les empêche de publier !
Ces personnes parlent alors volontiers de science officielle ou de science académique, vue comme obsolète et mensongère. Isolés et menacés de tous les maux, ils finissent par s'auto-proclamer « Galilée contemporains ». Ils ont la part belle dans les médias, parce qu'ils traînent avec eux des scandales, des polémiques et des poussées d'adrénaline.
Pour Claude Allègre, c'est encore différent. Je ne pense pas qu'il fasse rigoureusement partie de la catégorie des Galilée. C'est un grand chercheur, quoi qu'il ait pu dire sur les changements climatiques. En revanche, je rejoins Pierre lorsqu'il dit qu'il est tombé dans la marmite de la politique. C'est une erreur dont on ne se remet pas. Que ne donnerait-il pas pour exister encore dans le paysage mouvant des médias !
Cordialement,
Eddy