Après une petite interruption due à une accumulation de soucis, je reprends le déroulé de la "visite", certes bien moins belle et spectaculaire que celle de la Sicile par notre reporter exclusif, Frédéric, mais que je crois quand même pas trop inutile...
Aujourd'hui, une bestiole que l'on ne s'attend pas à voir en zone sèche et urbaine, une libellule Calopterygidae, Calopteryx virgo (Linné, 1758), mâle.
Pourquoi la présenté-je?
Pour deux raisons: je ne crois pas qu'elle figure, es qualité, sur le forum (il y a une C. virgo meridionalis si je ne me trompe), d'autre part parce qu'elle pose un problème intéressant: celui de l'autochtonie d'un taxon à la station où on l'observe.
Un petit rappel tout d'abord. C. virgo est une espèce généralement considérée comme "sensible" à l'état larvaire, ce qui me fait doucement m'esbaudir: ici, les quelques unes que j'ai observées à l'état tant larvaire qu'adulte fréquentent un "truc", qualifié de ruisseau, bien cochon sur lui, en pleine ville, donc avec force dégoulinades d'hydrocarbures et autres produits de traitement des végétaux, sans parler des canettes, caddies de supermarché, bouteilles en plastiques, vieux pansements jetés là par des patients de l'hôpital psy. voisin, et j'en passe...
En d'autres termes, c'est un ruisseau, situé à vol de libellule à 1km de mon bosquet pour ce qui est de sa portion "air libre". Le reste de son parcours, il est sous buses... et, pour les pêcheurs qui fréquentent notre forum, classé première catégorie piscicole: on se demande si les truites qui devraient y vivre (dont je n'ai jamais, en plusieurs dizaines d'années, vu la queue d'une!) sont équipées de lampes frontales, d'échelles de corde pour enjamber les multiples vannes et ouvrages, etc. .
Il est donc méchamment pollué, comme en attestent des analyses chimiques et bactério. que j'avais réalisées il y a quelque temps, et ne reprend partiellement vie qu'après avoir été enrichi par... les rejets de la station d'épuration (réellement performante, c'est rare), pour se dégrader très vite ensuite (pollutions d'origine agricole, dont encore atrazine -et ses métabolites- et azote).
Fin du descriptif apocalyptique!
Pour en revenir à notre Odonate, un petit mot de biologie: larves aquatiques, plutôt inféodées aux zones rivulaires du cours d'eau, prédatrices bien entendu (ici, ce sont des Chironomes et Oligochaeta...), qui se développent en deux années (trois étés), pour émerger adultes vers le mois de mai, ceux-ci volant jusqu'en septembre.
Les adultes ne s'éloignent généralement pas de leur ruisseau, où les mâles affirment un comportement territorial très combatif, sauf que...
Sauf que le mâle ci-dessous était dans mon bosquet!
Preuve donc que la présence d'un adulte en une station ne veut absolument pas dire qu'il y a peuplement de ladite station.
Ainsi, je peux voir des C. virgo voleter sur un étang, et en déduire, faussement, que ceux-ci le peuplent...
En fait, l'étang ne renferme aucune larve, elles vivent dans un ruisseau plus loin.
Pourquoi ce baratin? Simplement parce que j'ai lu, sous mes yeux horrifiés, des articles prônant la prise en compte des libellules adultes dans l'évaluation qualitative d'un milieu!!!
Déjà que de très sérieux doutes pèsent sur la fonction de bio-indicateurs de ce groupe d'insectes (je peux développer si besoin), à l'état larvaire, mais quant à utiliser les adultes...
Si l'on veut réellement inventorier la faune d'une pièce d'eau, ou bien d'un cours d'eau, la seule et unique solution est d'y rechercher les insectes à l'état larvaire (premiers états), à la limite pour les odonates, les exuvies.
Le reste est billevesées.
Idem pour les autres insectes aquatiques d'ailleurs.
Alors oui, se pose le problème de la détermination: c'est plus facile de donner un petit nom à un bidule qui vole, coloré et tout et tout, qu'à une larve, pas très affriolante, qui nécessite une bonne bino. (parfois un microscope pour certains groupes complexes), de bons outils (clés à jour...) et une habitude certaine des groupes concernés.
Mais que je sache, la difficulté de détermination n'est pas un argument pour prôner des méthodes non-scientifiques!
Fin provisoire de ma rouspétance...
Pour finir, voici la bestiole.
A noter enfin: j'ai aussi vu Ischnura elegans, un mâle encore, dans mon bosquet, de passage...
Bonne journée!