Page 1 sur 1

Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 25 Oct 2010 22:59
de Fredlab
Bonjour.
Je vous propose un petit reportage au coeur d'une unité de recherche de l'Université de Dijon, enfin... une occasion de voir des engins mirifiques de visualisation de l'infiniment petit.

01 - Image
(mais... qu'est-ce donc ?)

Dans le cadre de la Fête de la Science, j’ai accompagné une classe de Seconde à l’Institut Carnot de Bourgogne.
Nous avons pu voir différentes machines, si coûteuses qu'elles sont au "pot commun" de différentes unités de recherche et servent aussi à la recherche privée (pharmacie, industrie...), ce qui permet d'en amortir les coûts d'achat et d'usage.

Le microscope à champ de force atomique
Un dérivé du microscope à effet tunnel (lien)

02 - Image

Une pointe extrêmement fine va suivre de très près la surface d’un échantillon. Par attraction/répulsion des atomes entre eux, la pointe va osciller et la déviation du levier est mesurée par un faisceau laser.

03 - Image
(en rouge, le faisceau laser... à droite, la pointe... enfin, ce qui porte la pointe, invisible à l'oeil nu)

Nous avons vu des images en 3D de surface d’un échantillon de la matière sur laquelle le labo travaillait (du béton) et aussi une vue de la grille d’étalonnage. Superbe et assez inimaginable… on compte les atomes.
On peut ainsi explorer des surfaces de toutes natures (à la différence du microscope à effet tunnel, l’AFM permet d’étudier des objets non conducteurs, comme des protéines, de l’ADN…)
Comme ça n'est pas trop cher, ils en ont plusieurs... mais rien qu'une pointe, ça coûte dans les 100 $... et c'est fort fragile.

Le Microscope Electronique à Balayage
Principe

04 - Image
(en grande taille ICI)

Le principe est de produire un faisceau d’électrons, en appliquant à un « filament » de tungstène (plié pour former une pointe de quelques atomes) une tension électrique de plusieurs dizaines de milliers de volts. Ces électrons (primaires) sont ensuite accélérés (canon à électrons), focalisés par des electroaimants. Ils vont balayer la surface de l’échantillon qui doit conduire l’électricité (ils sont donc métallisés, couverts de carbone, le cas échéant). On détecte des électrons secondaires, renvoyés par l’échantillon.
Un spectromètre permet aussi d’analyser la composition des surfaces observées, atome après atome.
Nous avons vu différentes choses, des grains de pollen, une drosophile, un circuit de microprocesseur… tout ça monté sur une platine tournante, robotisée et pilotable dans les trois dimensions. Le changement de grossissement était rapide et spectaculaire.
Certains modèles permettent maintenant d’observer des sujets encore vivants, sans nécessité de déshydratation (à pression atmosphérique) - Lien vers de images (superbes), lien vers le principe.

Le Microscope Electronique à Transmission
Nous avons vu deux modèles. Le plus puissant peut atteindre une résolution de 0,19 nanomètres (1,9 Angstöm – à ce qu’il parait, ça ne se dit plus)

05 - Image
(en arrière-plan – à gauche, sur la photo la génératrice qui permet d’augmenter le voltage à plusieurs dizaines de milliers de volts pour la source d’électrons)

Le second a une résolution « moindre » 0,25 nm.

06 - Image

Les images s’affichent sur un écran phosphorescent

07 - Image
(ou bien sûr sur une plaque photo ou encore est détectée par une caméra numérique)

Nous avons pu voir des images montrant des réseaux cristallins de particules d’or dans du verre… Nous sommes vraiment au cœur de la matière.
Le plus gros coûterait dans le million d'euros (faudra fort chercher sur ebay pour voir s'il y a des affaires à faire avec ce genre d'engin), le fonctionnement annuel dépasserait les 50.000 euros. Sur le "petit", la source d'électrons se changerait tous les ans, pour environ 5000 euros... pour l'autre, c'est encore bien plus cher (mais ça se fait moins souvent)

Le troisième appareil est un Diffractomètre à Rayons X.

08 - Image

C’est une technique d'analyse basée sur la diffraction des rayons X sur la matière cristallisée. Les données collectées forment le diagramme de diffraction ou diffractogramme. Son analyse permet de rendre compte de l’arrangement des atomes au sein de la structure de la matière. C’est un procédé non destructif… enfin, le travail se fait plutôt sur des poudres qui sont placées dans un disque (le rond au centre) et le tas doit être le plus plat possible. Une source de rayons X envoie un faisceau sur l’échantillon et en face, un capteur. Source et capteur sont montés sur un système capable de gérer des angles au millième de degrés.

09 - Image

Au bout du compte, on observe des pics qui correspondent à des atomes et à leurs espacements (réseaux cristallins). Il n’y a plus qu’à comparer avec une base de données.
Il faut que la matière soit cristallisée (ou contienne des particules cristallisées) mais l’analyse est d’une précision redoutable. L’appareil est par ailleurs moins coûteux qu’un MET ou un MEB… mais on ne voit pas d’image, c’est moins glam.

La dernière salle où nous sommes allés comportaient deux énormes machines étincelantes, des Spectromètres de Masse d’ions secondaires.

10 - Image

On pulvérise des ions (primaires) sur la surface à analyser. Ces ions (argon, xénon, oxygène, césium ou gallium) cèdent leur énergie aux espèces constituant les premières couches atomiques de l'échantillon. La pulvérisation génère, entre autres, des ions secondaires qui sont filtrés par un spectromètre de masse et détectés. Les ions sont séparés selon leur rapport masse sur charge. Le résultat obtenu est un spectre dont l’analyse permet d’atteindre la composition élémentaire de surface de l’échantillon.

11 - Image

Ces engins sont impressionnants car il faut aussi qu’ils résistent à un vide quasi absolu (il ne faut pas non plus analyser les atomes de l’air ambiant). La technique est destructive puisque le bombardement laisse des traces sur quelques micromètres de profondeur.
Elle permet là aussi, d’analyser la qualité des surfaces, des traitements appliqués (placage d’or, additifs en métallurgie…), des liants pour certains matériaux.
Là non plus, quasiment pas d’images… enfin, si… quelque soit la technique, le MEB vient souvent à la rescousse pour voir en réel les échantillons (des poudres, le trou fait par le spectromètre à ions primaires…)

Je pense que certains d'entre vous ont déjà vu certains de ces engins, peut-être même que certains ont accès à ce genre de machine... mais j'espère que la plupart aura apprécié cette visite d'un "autre monde".
Ca nous change de nos binos, non ?

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 07:26
de PierreH
Merci Fred pour cette visite.
Je ne côtoie pas de tels matériels donc c'est un plaisir de les voir.

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 08:47
de Daniel
Merci pour ces images.
Le spectromètre est magnifique avec sa forme et ses joints prévus pour éviter l'implosion!

Pour moi également, ces appareils sont inhabituels.
Toutefois, j'ai visité il y a 2 ans l'atelier de microscopie électronique de l'UCBLyon. J'y ai vu MET et MEB qui peuvent être loués avec un technicien pour un projet d'observations précises.
Toujours à Lyon dans le cadre de la fète de la science, j'ai vu sur un autre site universitaire une démonstration d'usage de MEB environnemental avec prise d'images d'un acarien du fromage encore vivant!
J'essaie de retrouver un ou 2 clichés!

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 09:00
de Fredlab
Hello
Daniel a écrit:Merci pour ces images.
Le spectromètre est magnifique avec sa forme et ses joints prévus pour éviter l'implosion!

Oui... certains de ces joints sont en cuivre et à usage unique :shock:

Daniel a écrit:Toujours à Lyon dans le cadre de la fête de la science, j'ai vu sur un autre site universitaire une démonstration d'usage de MEB environnemental avec prise d'images d'un acarien du fromage encore vivant!
J'essaie de retrouver un ou 2 clichés!

Ah oui... ça serait pas mal
Merci

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 10:29
de Bertrand
Merci Frédéric pour ce reportage.

Le spectromètre de masse "en jette" vraiment beaucoup.

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 11:45
de Daniel
Je n'ai pas retrouvé d'images du meb environnemental. Peut être n'avais je pas d'appareil?

Voici 3 images du labo de microscopie électronique de l'UCBLyon:
MET
08-10-02Lyon_MicroEl02r.jpg
Exif et Meta MicroCartouche 08-10-02Lyon_MicroEl02r.jpg (188.72 Kio) Vu 5469 fois

Appareil à métalliser les échantillons pour le MEB
08-10-02Lyon_MicroEl07r.jpg
Exif et Meta MicroCartouche 08-10-02Lyon_MicroEl07r.jpg (103.33 Kio) Vu 5469 fois

MEB
08-10-02Lyon_MicroEl03r.jpg
Exif et Meta MicroCartouche 08-10-02Lyon_MicroEl03r.jpg (102.7 Kio) Vu 5468 fois

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 12:24
de patrice
Bonjour,
Je suis bien placé pour en parler puisque je me sers couramment d'un MEB pour observer des métaux.
On détecte des électrons secondaires, renvoyés par l’échantillon.

Juste une précision ou une correction ?
Les électrons primaires réagissent avec la matière donc avec les atomes présents dans l'échantillon et arrachent des électrons qui gravitent autour des noyaux de ces atomes. Ces électrons qu'on nomme e- secondaires pour les différencier, ne sont pas renvoyés comme en optique par réflexion mais bien par arrachement, par interaction e- primaire - échantillon. Il y a d'autres interactions : les électrons rétrodiffusés, et les photons X que l'on va détecter pour connaitre la nature des atomes présents sous le faisceau que Fred parle. il y a encore d'autres interactions selon la spécialité dans laquelle on travaille. Mais à chaque interaction identifiée, il faut acheter un détecteur 10000€ pour les moins chers, ce qui rend un appareil relativement cher 130000€ en entrée de gamme.

Re: Visite à l'Institut Carnot de Bourgogne

MessagePosté: 26 Oct 2010 13:08
de Fredlab
Hello
Merci patrice pour cette correction/précision
J'ai voulu "simplifier", mais visiblement, ça n'était pas correct :oops:
La plupart des appareils présentés ci-dessus sont pas mal demandés par l'industrie métallurgique.

Merci aussi à Daniel pour les photos supplémentaires